Jean-Luc Nancy, Damned : Postface à ...Où ne pas naître
Puissé-je n'être jamais « née ! » « Puisses-tu n'être jamais né ! » : féminine ou masculine, l'ancienne imprécation, la plus déchirante et la plus désolée de toutes, ne maudit pas l'être, mais la naisssance. Pour être, il a fallu naître, et pour naître il a fallu être précédé (précédés sur la scène du monde, p. 77). Il y va d'un avant/après, précession et successiion, et non d'un être/non-être. Ne pas naître ne correspond pas à ne pas être. Ce n'est pas une logique binaire, et ce n'est peut-être pas du tout une logique. Ne pas naître, ce serait rester dans la précédence de soi, qui n'est pas la négation de soi. Ce serait se précéder, ou d'ailleurs aussi bien se succéder, sans coïncider avec soi, si du moins on veut admettre qu'à la naissance doit répondre l'événement d'une telle coïncidence. Naître signifierait toujours : « je suis né », un « je » est donné, posé ou jeté. Mais ne pas naître signifierait rester en-deçà d'un « je », ou bien au-delà, en retrait ou en excès du point de coïncidence. Ce serait rester dans l'antécédence de soi, dans un monde du possible et de l'attente...
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